Le système proposé favorise les voitures plus lourdes…
La Commission européenne propose dans un premier temps de fixer un seuil moyen d'émissions par constructeurs. Le niveau autorisé serait établi en fonction de la masse des véhicules. Si les contraintes seraient applicables pour tous les constructeurs, le seuil serait fixé à un niveau plus bas pour les constructeurs de petits véhicules que pour les constructeurs de véhicules de grosses cylindrées. Tous les constructeurs, même ceux proches de l'objectif devront donc faire des efforts. Ainsi, la norme applicable aux véhicules des constructeurs français (produisant majoritairement de petits véhicules) pourrait être d'environ 127 gCO2/km tandis que certains constructeurs allemands (constructeurs de berlines en tête) auraient des seuils autorisés à 145 g, voire au-delà.
Cependant, en l'état actuel du règlement, le Sénat note que la contrainte ne sera pas proportionnelle au poids des voitures mais qu'elle aura tendance à s'affaiblir au fur et à mesure que le poids des voitures augmentera. Le Sénat est donc convaincu que le système proposé favorise les gros véhicules puisqu'une augmentation du poids de 5% par exemple permettra de majorer le seuil d'émissions de plus de 5%. Le rapport propose par conséquent que la relation entre poids des véhicules et émissions de CO2 autorisé soit proportionnelle.
Le Sénat va même plus loin en estimant que la Commission aurait dû choisir un système plus simple : le bonus-malus. Mis en place par la France, le système repose sur le paiement d'un malus à l'achat d'un véhicule qui dépasse un certain seuil d'émissions alors que les véhicules moins émetteurs font bénéficier d'un bonus. Cette solution présente de nombreux avantages, elle est simple, comprise par tout le monde et parfaitement cohérente ave l'objectif, explique Fabienne Keller dans son rapport.
… et permet d'échapper aux pénalités
Si en 2012 les constructeurs ne respectent pas les seuils d'émissions qui leur ont été fixés, des pénalités sont prévues à hauteur de 20€ par véhicule et par gramme de CO2 supplémentaire émis. Le rapport préconise plus de modulation afin de ne pas pénaliser de façon excessive les dépassements de quelques grammes et de sanctionner plus sévèrement les dépassements massifs de plus de 10 grammes par exemple.
Mais ce qui étonne surtout les sénateurs, c'est la possibilité donnée aux constructeurs de s'associer artificiellement entre eux pour respecter les seuils d'émissions. Autrement dit, un constructeur spécialisé dans des 4 x 4 ou des grosses cylindrées très polluantes pourrait s'allier à un constructeur spécialisé dans les petites voitures et échapper ainsi à toute pénalité. La disposition autorisant les constructeurs à former des groupements de circonstance dans le seul but de s'affranchir des contraintes et des pénalités prévues par la réglementation donne un mauvais signal à l'opinion européenne laissant l'impression détestable d'arrangements industriels « sur le dos » de l'environnement, estime Fabienne Keller. Cette disposition doit être supprimée, ajoute-t-elle dans son rapport.
Le règlement pourrait entrer en vigueur à la fin de l'année
En ce moment le règlement proposé par la Commission fait l'objet d'âpres négociations entre la France et l'Allemagne. Ces deux Etats membres représentent en effet à eux seuls les deux positions qui s'opposent au sein de l'UE. Selon Fabienne Keller, les deux pays seraient sur le point de se mettre d'accord. Le Sénat prévoit toutefois de transmettre son avis au gouvernement français et surtout aux parlementaires européens pour faire émerger des interrogations. Si les négociations aboutissent prochainement, le règlement pourrait être étudié en Conseil des ministres avant l'été et au sein du Parlement européen en septembre. Rappelons qu'au contraire d'une directive européenne, un règlement ne nécessite pas de transposition en droit national mais est directement applicable dès sa publication.
Face à l'imminence d'un accord, les associations de protection de l'environnement ne relâchent pas la pression et déplorent les reculs subis par le texte communautaire suite aux pressions de l'industrie automobile. Ce règlement européen devait initialement imposer une norme de rejet de 120g/CO2 par kilomètre à l'ensemble des véhicules particuliers vendus dès 2012 mais le niveau des rejets a été porté à 130g/CO2 par km avec une répartition de l'effort basé sur le poids des véhicules, expliquent-elles dans un communiqué commun*. Les associations appellent donc la France à s'impliquer davantage dans la négociation afin de défendre une réglementation ambitieuse comprenant une moyenne de 120g/km en 2012 et 80g/km en 2020, une répartition de l'effort fondé sur l'emprise au sol et non le poids et une pénalité de 150 euros par gramme supplémentaire et par véhicule dès 2012.
Greenpeace a de son côté sorti fin mai un rapport dénonçant les pressions de l'industrie automobile européenne contre la future réglementation. Notre rapport fait le point sur le lobbying effréné mené par l'industrie automobile européenne, lui-même conduit par les constructeurs allemands, qui manipulent l'Union européenne depuis des années, explique Anne Valette, en charge de la campagne Climat de Greenpeace France. L'association s'interroge surtout du silence des constructeurs français qui selon elle devraient encourager un règlement ambitieux afin de faire des marques françaises les champions de la lutte contre les changements climatiques.
* Agir pour l'Environnement - France Nature Environnement - Réseau Action Climat France - Greenpeace France